Impression en mutation : entre APLD-R et adaptation technologique

Usine d'imprimerie abandonnée avec machines offset sous bâches, symbolisant le déclin de l'industrie française

L’industrie imprimerie perd 10 à 15 % de son marché annuellement sans transformation, menaçant 3 651 entreprises et 33 932 salariés en 2023. Derrière ce déclin, la dématérialisation, les coûts du papier et de l’énergie post-Covid, ainsi que l’IA qui remet en cause les métiers du prépresse. Pourtant, des solutions émergent : hyperpersonnalisation des tirages courts, spécialisations dans les étiquettes, le papier peint sur mesure ou les documents accessibles aux non-voyants. Les imprimeurs doivent miser sur la polyvalence technique, la maintenance prédictive, les expertises en finition, tout en bénéficiant de l’accord APLD-R pour reconvertir les compétences. Une survie conditionnée à une réinvention audacieuse, entre héritage industriel et saut technologique.

L'industrie de l'imprimerie : un secteur en pleine contraction

Le secteur de l’imprimerie traverse une crise profonde. Selon Frédéric Fabi, président fondateur de Dupliprint, le marché baisse de 10 à 15 % par an pour les entreprises inactives face à l’évolution technologique. Ce déclin s’inscrit dans une tendance historique : alors qu’il employait jusqu’à 100 000 personnes dans les années 1960-1970, le secteur comptait 33 932 salariés en 2023, répartis dans 3 651 entreprises. Avec les métiers connexes, ce chiffre atteint environ 40 000 personnes.

La fragilité du secteur s’est accentuée récemment. En juin 2025, les élus de Mayenne ont alerté le ministère de l’Industrie sur la menace pesant sur les imprimeurs locaux, confrontés à la concurrence internationale et à la flambée des coûts des matières premières. Le secteur, qui englobe l’ensemble de la chaîne graphique – prépresse, impression, finition –, subit des vagues successives de mutations technologiques, de la presse de Gutenberg aux imprimantes laser de 1984.

Cette évolution, accélérée par la dématérialisation et la crise sanitaire, illustre un défi majeur : l’adaptation des compétences. Les imprimeurs doivent désormais maîtriser des technologies numériques et lutter contre la baisse des commandes. Le défi est double : survivre à la baisse des volumes tout en investissant dans des niches rentables comme l’hyperpersonnalisation ou les emballages. Sans formation continue, les entreprises risquent de disparaître face à une concurrence mondiale exigeante.

Les défis structurels qui redéfinissent le paysage de l'impression

Le secteur de l’imprimerie traverse une crise profonde, marquée par une baisse continue de la demande et un environnement économique défavorable. Derrière ce déclin, plusieurs facteurs convergent menacent l’équilibre économique des entreprises. Quels sont les principaux défis qui redéfinissent le paysage de l’imprimerie aujourd’hui ?

La dématérialisation : une tendance de fond inéluctable

La consommation de papiers graphiques a chuté de près de 60 % en vingt ans. Cette évolution naturelle et inexorable touche tous les formats, du livre à la documentation juridique ou automobile.

La transition numérique s’accélère, portée par la gestion électronique de documents (GED). Les supports digitaux offrent des avantages indéniables : coûts réduits, rapidité d’accès et mesurabilité des actions. Pour les imprimeurs, ce mouvement force une remise en question radicale de leur modèle économique.

L'impact de la conjoncture économique : hausse des coûts et pression sur les marges

La crise sanitaire a exacerbé une situation déjà fragile. Les coûts du papier ont bondi de 82 % entre septembre 2021 et février 2022, tandis que l’énergie a vu ses prix exploser (+38 % pour l’électricité, x2 pour le gaz entre 2019 et 2022).

Ces hausses pèsent lourd sur les marges. Une variation d’un euro sur le prix du MWh coûte un million d’euros supplémentaire à l’usine Norske Skog à Golbey. Dans ce contexte, les petites structures peinent à maintenir leur activité.

L’obsolescence technologique et l’évolution des métiers

L’histoire du secteur est jalonnée d’innovations majeures, de Gutenberg aux presses offset. Aujourd’hui, la transformation numérique efface progressivement certains métiers, comme celui de compositeur typographe.

Les équipes se réduisent : “Sur une rotative on était huit à dix personnes, aujourd’hui on est un et demi.” Les compétences actuelles exigent une maîtrise informatique accrue, avec des “conducteurs de machine à imprimer d’exploitation complexe”.

Pour survivre, les entreprises doivent proposer des solutions d’impression complètes, intégrant la conception, la production et la logistique. Cette diversification devient un levier de compétitivité dans un secteur en mutation.

Technicien imprimeur vérifiant échantillons couleurs dans atelier moderne, illustration adaptation secteur impression

Stratégies d'adaptation : comment les imprimeurs se réinventent pour survivre

Le passage d'une économie de masse à une économie de la valeur

Face à la baisse des commandes traditionnelles, l’industrie de l’imprimerie s’oriente vers une stratégie clé : le passage d’une économie de masse à une économie de la valeur. Comme l’explique Pascal Bovero, délégué général de l’Union nationale des industries de l’impression et de la communication, les imprimeurs doivent s’adapter à un marché où les tirages baissent, mais où la demande se tourne vers des commandes plus petites, avec une logique d’hyper-réactivité et de réassort à la demande.

Ce changement de paradigme marque une évolution incontournable : les entreprises du secteur ne peuvent plus compter sur des volumes importants pour générer des revenus. Elles doivent maintenant innover pour proposer des services et des produits qui justifient des prix plus élevés, en apportant une réelle valeur ajoutée à leurs clients.

La spécialisation dans des marchés de niche porteurs

Pour se démarquer dans un marché concurrentiel, de nombreux imprimeurs choisissent la spécialisation dans des marchés de niche. Cette approche leur permet de capter des clients avec des besoins spécifiques, moins sensibles à la concurrence sur les prix. Certaines entreprises se concentrent sur des produits à forte valeur ajoutée comme le papier peint personnalisé, les documents accessibles aux non-voyants, ou encore les étiquettes spécifiques.

Les stratégies d’adaptation dans le secteur de l’imprimerie comprennent :

  • Le passage d’une production de masse à une économie de la valeur
  • L’hyper-réactivité face aux demandes clients pour des petites séries et des réassorts rapides
  • La spécialisation sur des marchés de niche à forte valeur ajoutée (ex: étiquettes, papier peint personnalisé)
  • L’élaboration de produits spécifiques comme les documents pour non-voyants

Face à ces défis, l’accord d’activité partielle de longue durée “rebond” (APLD-R) offre une opportunité précieuse aux entreprises du secteur. Ce dispositif permet aux imprimeurs en difficulté de former leurs salariés à de nouvelles compétences, anticipant ainsi les mutations technologiques inévitables. Cette formation continue s’impose comme un levier essentiel pour la survie du secteur, à l’heure où l’intelligence artificielle commence à bouleverser les métiers traditionnels de l’imprimerie.

L'intelligence artificielle : le nouveau bouleversement de l'industrie de l'imprimerie

L'IA comme outil d'optimisation de la production

Richard Moraly, vice-président du Groupement des métiers de l’impression, souligne que les machines modernes accèdent à des bases de données partagées. Elles transmettent les réglages optimaux pour de nouvelles commandes, inspirés des expériences d’autres imprimeurs. Cet échange d’informations réduit les erreurs, gagne du temps et améliore l’efficacité. Des systèmes comme l’Intelligent Quality Care (IQ-501) ajustent automatiquement la position des images et le contrôle des couleurs. La détection précoce des erreurs évite les gaspillages de papier et d’encre. L’IA générative permet aussi une maintenance prédictive grâce à des capteurs surveillant en temps réel l’usure des machines. Ces outils optimisent également la consommation d’encre et de papier, contribuant à des objectifs de durabilité.

Une menace imminente pour les métiers du prépresse

Pascal Bovero, délégué général de l’Union nationale des industries de l’impression, avertit que les opérateurs PAO pourraient disparaître en moins de cinq ans face à l’IA générative. Les logiciels comme DALL-E ou Adobe Firefly créent des visuels en quelques secondes, remplaçant des tâches manuelles. Cette transition menace les compétences traditionnelles, mais l’APLD-R offre une opportunité de formation pour les travailleurs concernés. Les professionnels doivent maîtriser de nouvelles compétences, comme le prompt engineering, l’analyse prédictive ou la gestion des systèmes IoT. Par exemple, l’intégration d’outils IA dans Photoshop ou InDesign révolutionne la création graphique, rendant obsolètes certaines tâches manuelles. Sans adaptation rapide, la profession risque de s’effondrer face à la vitesse des innovations, alors que 61% des marketeurs utilisent déjà l’IA quotidiennement pour des gains de productivité estimés à 25% selon McKinsey.

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Métiers et compétences : le capital humain au cœur de la transformation

Les nouveaux profils recherchés par les imprimeurs

Face à une baisse annuelle de 10 % à 15 % du marché, Pascal Bovero, délégué de l’UNIIC, insiste sur l’urgence d’une refonte des compétences. Les imprimeurs recrutent désormais des profils polyvalents pour s’adapter à la technologie et aux attentes clients. En 2023, le secteur compte 33 932 salariés, contre 100 000 dans les années 1960-1970, marquant un déclin inexorable.

  • Des conducteurs de machines polyvalents, capables de gérer des équipements numériques (presses offset, imprimantes 3D).
  • Des techniciens de maintenance, spécialisés dans la maintenance prédictive et la gestion des logiciels de supervision pour des machines automatisées.
  • Des experts en finition (doreur, relieur), axés sur des produits premium comme les emballages personnalisés ou les documents accessibles aux non-voyants.
  • Des commerciaux qui transforment les besoins clients en solutions techniques, avec une expertise en personnalisation.

Ces compétences techniques et la flexibilité deviennent essentielles. « Sans cette évolution, le secteur ne survivra pas », prévient Frédéric Fabi. La spécialisation dans des niches, comme l’impression 3D pour le médical ou l’aéronautique, s’impose comme une stratégie vitale.

La formation comme levier stratégique de survie

L’accord APLD-R (mai 2025) permet aux entreprises en difficulté de former leurs salariés tout en maintenant 70 % de leur salaire brut (jusqu’à 4,5 Smic), avec un dispositif actif jusqu’en février 2028. Les heures de formation sont indemnisées à 100 %, garantissant une transition sans perte de revenu.

Ce levier favorise des formations en impression durable, gestion de l’IA (ex. : bases de données partagées entre imprimeurs) ou machineries avancées. « L’adaptation est incontournable », affirme l’UNIIC, face à la dématérialisation et à une concurrence mondiale accrue. Les entreprises ont jusqu’à 18 mois pour réorganiser les compétences, avec un soutien étatique.

L’avenir du secteur dépend de la transmission des savoir-faire anciens et de l’intégration d’innovations. Des formations en écoconception, économie circulaire ou utilisation d’outils comme les spectrophotocolorimètres s’alignent sur les attentes RSE croissantes. Sans cette dynamique, les imprimeurs risquent de disparaître, comme les typographes remplacés par le numérique.

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Quel avenir pour l'impression : entre résilience et innovation continue

Face à un marché en déclin de 10 à 15 % par an, l’industrie de l’imprimerie doit repenser son modèle. Les défis sont clairs : baisse des volumes, dématérialisation des supports et disruption causée par l’intelligence artificielle (IA). Selon Frédéric Fabi (Dupliprint), l’évolution technologique dépasse souvent celle des professionnels.

L’hyperpersonnalisation s’impose comme stratégie clé. En passant d’une économie de masse à une logique de valeur, les entreprises adaptent leurs offres à des demandes spécifiques, comme les documents accessibles aux non-voyants ou les créations uniques.

L’IA, loin d’être qu’un risque, ouvre des opportunités. Des outils comme Adobe Firefly ou MidJourney automatisent les tâches répétitives et génèrent des visuels innovants. Cependant, les opérateurs PAO devront évoluer face à l’IA générative.

Pour garantir sa survie, le secteur doit miser sur la formation. L’accord APLD-R offre une opportunité de requalification vers des métiers comme le graphisme assisté par IA ou la maintenance technique.

Comme le souligne Pascal Bovero (U.N.I.C.), la résilience dépendra de la capacité à intégrer ces mutations. Sans transmission et renouvellement des compétences, les imprimeurs ne pourront plus faire bonne impression très longtemps.

L’industrie de l’imprimerie, confrontée à la dématérialisation, aux pressions économiques et à la révolution de l’IA, doit s’adapter en misant sur la valeur ajoutée, la spécialisation et l’innovation technologique. Pourtant, sa survie dépend surtout d’un renouveau des compétences humaines, comme le souligne Pascal Bovero : sans “transmission et renouvellement des compétences”, les imprimeurs ne pourront plus faire bonne impression.

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